À la façon de James Ellroy

J’entrais dans ce bar pour la première fois. Le néon vert vomissait une lumière crue sur les visages crispés des clients. Une fumée épaisse, mélange de tabac froid et de sueur humaine, stagnait dans l’air.

Au comptoir, Gérard, un ancien skinhead aux yeux injectés de sang, hurlait ses vérités absolues sur la Palestine et l’Ukraine, éructant des insultes qui résonnaient comme des coups de poing dans l’estomac.

En face, Robert, un intellectuel raté, se réfugiait derrière ses lunettes fumées, débitant des théories fumeuses sur les méfaits des écrans.

Les jeunes, accroupis autour d’une table, le nez plongé dans leurs portables, semblaient ne plus entendre. Des zombies numériques, incapables de lever les yeux vers le monde réel, de sentir la chaleur d’un regard, le poids d’une main sur l’épaule.

J’avais envie de leur hurler : "Réveillez-vous, bordel ! Le monde brûle et vous êtes en train de griller sur vos écrans !" Mais à quoi bon ? Qui suis-je pour les sauver ? Un grain de sable dans une tempête.

Si tous les clients de ce trou à rats se confiaient à un psy, est-ce que ça changerait quelque chose ? Peut-être que ça leur permettrait de comprendre les racines de leur colère, de leur désespoir. Mais au fond, je ne crois pas. L’homme est un loup pour l’homme, et la violence est inscrite dans nos gènes.

Christian Dechartres - écrivain public - http://cd-lmdp.over-blog.fr