« Le Grand Monde » de Pierre Lemaitre : faut-il le lire ?

Dans sa trilogie « Les Enfants du désastre » : 1. Au revoir là-haut, 2. Couleurs de l’incendie, 3. Miroirs de nos peines, Pierre Lemaitre nous livrait une peinture de l’Entre-deux-guerres avec ses tragédies, ses rebondissements. Il n’hésitait pas à mettre une pointe d’humour pour nous emmener dans ses récits funestes.

Il s’est maintenant attaqué à la période des Trente Glorieuses jusqu’à nos jours.

Le premier volume de cette nouvelle série : Le Grand Monde.

Voici quelques extraits qui donnent le ton du livre :

Il évoque - à sa manière - cette guerre d’Indochine si loin de la métropole :

« Parce qu’il y a guerre et guerre. Par exemple, en France, les gens se foutent complètement de ce qui se passe ici parce qu’il y a les militaires de carrière. Tant que les appelés du contingent ne viendront pas crever dans les rizières, pour les Français, la paix ou la guerre, ça sera la même chose, parce que ça ne change rien à ce qu’ils ont dans leur assiette. »

La guerre n’a pas que des mauvais côtés ! :

« L’économie française a besoin de cette guerre ! La guerre rapporte trois fois ce qu’elle coûte. C’est une arme, la piastre ! C’est grâce à elle que nous parvenons à convaincre ceux qui pourraient se ranger aux côtés des communistes. »

Pierre Lemaitre revient sur ses héros d’Au revoir là-haut juste après la Grande Guerre :

« Alors il a imaginé un truc très astucieux. Il s’est mis à vendre des monuments aux morts sur catalogue. En échange d’un gros acompte, il accordait une remise très très attractive sur le prix de vente. Il en a vendu des centaines et des municipalités, des associations, des écoles, des administrations. Et le 14 juillet 1920… Il s’est barré avec la caisse. »

Les scandales politiques ne sont pas oubliés :

« Ce sont tes enfants qui vont payer l’addition. Nous aurons un scandale à affronter, ça ne sera ni le premier ni le dernier, on créera une commission qui enterrera ce truc, pendant ce temps on allumera un contre-feu quelque part et deux mois plus tard tout le monde aura oublié. Entre-temps, vous aurez tout perdu. »

Les victimes de la Première Guerre mondiale reviennent de temps en temps :

« Son compagnon était de ces gueules cassées que le conflit avait essaimées un peu partout en France, il lui manquait la mâchoire inférieure. »

Après sa fresque de l’entre-deux-guerres, Pierre Lemaitre nous entraîne dans l’atmosphère des années 50 faites de nouveaux affrontements, de nouvelles intrigues, de meurtres, de coups bas. Le livre se lit bien ; le lecteur rentre dans l’époque grâce à une écriture ponctuée d’humour sur fond de drames.

Christian Dechartres - écrivain public - http://cd-lmdp.over-blog.fr